Khadidja Benmessaoud, pionnière du tourisme d’aventure au Sahara
Depuis plus de vingt ans, Khadidja Benmessaoud développe pour les voyageurs du monde entier qui souhaitent découvrir le Sahara et le Sahel un tourisme respectueux de l’homme et de l’environnement, à l’opposé du tourisme de masse
Elle parle de « voyageurs » et non pas de « touristes » pour qualifier les personnes qu’elle accompagne. Depuis plus de vingt ans, Khadidja Benmessaoud fait de la « conception de voyages » dans le sud de l’Algérie son métier.
Après des études de biologie, elle quitte Tamanrasset, sa ville natale, pour la France où elle décroche une licence de tourisme. Première femme de sa région à créer une agence de tourisme d’aventure, Khadidja, qui a aujourd’hui 50 ans, avait son destin presque tout tracé.
« Le tourisme d’aventure est un domaine que je connais depuis mon plus jeune âge, car mon oncle maternel était précurseur dans le tourisme d’aventure au Sahara. Petite, je l’accompagnais sur des circuits », raconte-t-elle à MyAlgeria.
« La rencontre avec les jeunes du monde entier pour découvrir notre région m’a beaucoup enrichie. J’aimais échanger avec eux, leur montrer nos richesses culturelles. C’est comme ça que j’ai pris goût à ce métier. »
Même si le tourisme dans les années 2000 n’est pas encore un domaine d’activité bien assis, Khadidja ne doute pas : elle sait qu’elle fera carrière dans ce secteur.
Randonnées chamelières
« Après quelques années passées dans l’agence touristique de mon oncle, j’ai créé ma propre agence, Itinérance. A cette époque et même encore aujourd’hui, les femmes sont peu présentes dans le tourisme et encore moins dans le tourisme d’aventure », constate-t-elle.
« J’ai eu la chance d’être soutenue par mes proches et par les gens de la région, agréablement surpris par ce que j’entreprenais. Ce n’était pas un obstacle mais un challenge à relever. »
Le tourisme saharien d’aventure, tel que Khadidja le pratique, consiste à accompagner les touristes dans de grandes expéditions et randonnées dans le Sahara algérien et au Sahel. Elle organise par exemple des randonnées chamelières dans le désert algérien, au Mali et en Mauritanie.
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Elle estime que les gens qui veulent découvrir le désert sont « dans un état d’esprit particulier ».
« Visiter ces contrées, c’est vouloir vivre avant tout une aventure humaine », assure-t-elle. « Pour faire du tourisme dans le Sahara, il faut être préparé culturellement. Le voyageur doit absolument se renseigner avant d’entreprendre un tel voyage. Il y a énormément de choses à savoir, notamment sur le mode de vie, le patrimoine matériel et immatériel préhistorique, etc. Nous avons le plus beau et le plus riche désert au monde. Nous avons tout intérêt à le développer et à le protéger. »
Pour Khadidja, le tourisme saharien a ses particularités. C’est d’abord un tourisme d’aventure : le voyageur va dormir à la belle étoile, suivre le rythme de la nature, vivre en symbiose avec un environnement naturel.
Avec les agences de voyages de Tamanrasset et de Djanet, Khadidja a participé à l’élaboration d’une charte pour le respect du patrimoine et des coutumes. Cette charte est distribuée aux touristes qui viennent pour la première fois, ou reviennent, au Sahara.
« Le tourisme est une question d’image, d’où la nécessité aujourd’hui de le montrer davantage dans les médias »
– Khadidja Benmessaoud
« Les habitants du Sahara, que ce soit les Touaregs ou les non-Touaregs, ont un mode de vie différent. Que des gens viennent leur rendre visite et découvrir leurs arts culinaires, l’habit et l’artisanat traditionnel, et toutes les autres composantes de leur identité, permet de valoriser ce patrimoine et de le protéger », explique-t-elle.
Khadidja tient à montrer aux voyageurs que ce désert est sublime et que des gens au mode de vie exceptionnel y habitent.
« Mes circuits sont beaucoup concentrés sur l’humain et la rencontre. Je réserve souvent deux journées aux visiteurs dans les villages touaregs, dans une proximité respectueuse, pour ne pas les gêner dans leur quotidien », souligne-t-elle.
Un système social « hors du commun »
« Les Touaregs ont un mode de vie propre à eux. C’est un système matriarcal où la femme est le pilier de la société. C’est important de le montrer à un touriste, qu’il soit algérien ou étranger. Ce système social est hors du commun. »
Dans l’idée de promouvoir les richesses de la région, Khadidja a ouvert, il y a trois mois, un restaurant, L’Adriane, du nom de la montagne qui surplombe la ville de Tamanrasset.
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« C’est à la fois un restaurant et un lieu culturel où j’organise des expositions, des défilés de mode, des concerts de musique touarègue et où on peut manger de la cuisine locale et de la cuisine du monde », explique-t-elle. « C’est un endroit chic et convivial, aussi bien pour les touristes que pour les gens de Tamanrasset. Je veux offrir à la population locale une sortie culturelle, un moment de détente. »
Khadidja continue de rêver plus grand pour sa région et prévoit d’ouvrir un hôtel à Tamanrasset.
Pour elle, le tourisme saharien en Algérie pourrait de développer si une institution se consacrait à le valoriser et si des documentaires et reportages de qualité étaient réalisés sur le Sahara.
« Le tourisme est une question d’image, d’où la nécessité aujourd’hui de le montrer davantage dans les médias. »