Yassir, la start-up 100% algérienne qui vise le marché mondial
En à peine cinq ans, la start-up algérienne Yassir, qui fournit des services de taxis et de livraison alimentaire, s’est imposée en Algérie et dans le reste du Maghreb
Créée par deux ingénieurs algériens Noureddine Tayebi et Mehdi Yettou, la start-up Yassir, très populaire dans le Maghreb et qui opère via une application 100% algérienne, s’est fait remarquer fin 2021 en levant 30 millions de dollars auprès d’investisseurs américains.
« C’était une mission [pour nous] de créer un modèle de succès vraiment 100% algérien, permettant de réhabiliter le talent local et de montrer qu’on peut créer de la plus-value en Algérie », explique à l’AFP Noureddine Tayebi, qui partage son temps entre Alger et la Californie.
Les deux ingénieurs ont dû s’armer de patience pour affronter la bureaucratie algérienne souvent décriée comme peu propice aux affaires et une réglementation moins favorable qu’ailleurs aux start-up quand ils se sont lancés.
« La bureaucratie fait partie des obstacles qu’il faut surmonter. Je ne dis pas que c’est facile mais il faut faire avec et aller de l’avant », indique Noureddine Tayebi.
Depuis son lancement, Yassir a généré plus de 40 000 emplois indirects (chauffeurs et livreurs) et enregistre « une progression exponentielle de 20 à 40% de son chiffre d’affaires mensuel », assure M. Tayebi.
Diplômé de l’école polytechnique d’Alger, M. Tayebi était ingénieur-chercheur chez une grande firme technologique de la Silicon Valley (Etats-Unis), après un doctorat de l’université américaine Stanford, quand il a quitté sa zone de confort pour venir créer en Algérie une application de taxis à la commande.
Elle a été baptisée Yassir (jeu de mots entre les mots « facile » et « rouler » en arabe) une trouvaille de l’épouse de M. Yettou, son associé.
Recruter des centaines de cerveaux
Lancée mi-2017 à Alger, mégapole de quatre millions d’habitants en déficit chronique de transports en commun, Yassir était déjà à Oran, Constantine et Annaba, début 2018.
Aujourd’hui, elle est présente dans 25 villes entre Algérie, Maroc, Tunisie, Canada et France, revendiquant quatre millions d’utilisateurs.
Les fonds récemment levés serviront notamment à « nous étendre à d’autres pays », selon Noureddine Tayebi.
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Yassir s’est ainsi à peine lancée au Sénégal et prévoit de s’implanter ailleurs en Afrique de l’ouest avant les « gros marchés » africains (Afrique du Sud, Nigeria et Egypte).
Un développement rapide malgré la concurrence d’autres applications telles qu’Uber ou Heetch.
« Nous sommes très ambitieux. Le but est de créer la plus grande entreprise de technologies, pas seulement en Afrique mais au monde. Pour l’atteindre, il faut être sur pas mal de marchés régionaux, continentaux et au niveau mondial », lance sans complexe l’ingénieur.
Pour grandir, Yassir doit aussi recruter des centaines de cerveaux.
« Yassir est déjà le plus gros employeur d’ingénieurs informaticiens au Maghreb [plus de 600] et nous voulons tripler voire quadrupler ce chiffre », indique M. Tayebi.
Au-delà des taxis sur commande, le groupe s’est diversifié dans la livraison de repas et l’épicerie en ligne avec Yassir Express.
Casque sur l’oreille, une trentaine de jeunes répondent aux 6000 demandes quotidiennes reçues au centre d’appel d’Alger. « Le temps de livraison moyen d’un repas est de 30 minutes », assure à l’AFP Wissem, directrice du centre.
Aujourd’hui, la start-up se prépare à développer ses propres services de paiement en ligne, une solution encore balbutiante en Algérie. Pour le moment, les clients payent leurs commandes, à réception et en liquide.
« La majorité de la population algérienne et africaine n’est pas bancarisée. Non pas à cause de l’absence d’un système bancaire qui est bien là, mais parce que les gens ne lui font pas confiance », explique Noureddine Tayebi.
« Si on utilise bien nos services à la demande, on finira par avoir une base d’utilisateurs importante qui nous fera confiance. Et c’est là où c’est pertinent d’introduire des services de paiement », estime-t-il.
« C’est la puissance de notre modèle et ce qui nous différencie de Uber principalement aujourd’hui », complète-t-il.
Pour cela, Yassir doit avoir une image de marque irréprochable.
« Il y a un processus très rigoureux pour choisir les chauffeurs. On vérifie leur casier judiciaire, leur formation, leur éducation. Il y a même une évaluation psychologique réalisée pour valider leur candidature. »
AFP