Avec les bookaholics algériens, la fièvre du livre gagne les réseaux sociaux
Critiques, clubs et bons plans : pour partager leur passion des livres, les Algériens abolissent les distances et se retrouvent en ligne. Rencontre avec ces nouveaux influenceurs
Ils se donnent le surnom de bookaholics pour décrire leur passion pour le livre. Même si leurs audiences sont plus modestes que celles des autres influenceurs, les Algériens amoureux du livre sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux.
Ces bookstagrameurs ou booktubeurs, qui s’affichent devant une bibliothèque, un livre à la main, veulent « vulgariser » la lecture et la « sortir de son contexte académique » pour la rendre plus attrayante.
C’est du moins ce qui a poussé Yassine, 25 ans, à digitaliser sa passion à travers son compte Instagram et sa chaîne YouTube : « Temple du livre ».
« Je voulais vulgariser le livre et en parler différemment d’un professeur d’université. J’ai d’abord commencé par des chroniques avant de passer au format audiovisuel, à travers des vidéos qui allient humour et savoir », explique Yassine à MyAlgeria.
Ce natif de la wilaya de Chlef, qui cumule plus de 3100 abonnés, assure qu’il y a « beaucoup de personnes qui interagissent avec son contenu, notamment les jeunes âgés de 20 à 30 ans ». Et pour lui, « le nombre de lecteurs augmente chaque année ».
« Les Algériens s’intéressent de plus en plus à la lecture et ça ne peut être que bénéfique pour la société », affirme l’étudiant qui poursuit un master en littérature française en France.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les chiffres de fréquentation du Salon du livre international d’Alger : en 2018, avant la pandémie, le Salon avait enregistré 2, 3 millions d’entrées.
« Rendre la lecture accessible »
Nelia, 26 ans, qui active sur Instagram sous le pseudonyme « algerian_bookreaders », conseille à ceux qui n’ont pas forcément les moyens d’acheter des livres neufs d’opter « pour les livres d’occasion ». C’est ce qu’elle faisait quand elle était enseignante à l’université de Tizi Ouzou.
« Je déniche souvent des pépites chez les bouquinistes à des prix très abordables », affirme Nelia à MyAlgeria.
A travers son compte suivi par plus de 9000 personnes, la bibliophile dit vouloir aider à surmonter ces obstacles et rendre « la lecture accessible ». « Il ne faut pas en faire un élément intouchable destiné à une caste de la société », rappelle-t-elle.
La bookstagrameuse partage avec ses abonnés des revues littéraires, des résumés, des analyses mais aussi des bons plans. Via son feed, « Algerian_bookreaders » fait aussi la promotion des auteurs algériens et elle le fait d’une façon qui attire l’œil et l’esprit à la fois.
En effet, Nelia crée un décor précis pour chaque livre qu’elle présente. Pour faire découvrir des écrivains algériens, elle se met souvent en tenue traditionnelle, robe kabyle ou encore hayek.
« Clubs de lecture »
Si Yassine et Neila ont rejoint les réseaux sociaux afin d’aiguiser l’intérêt pour la lecture, Anfal l’a fait « pour trouver une communauté ».
Plus intéressée par les livres en langue anglaise, la jeune femme de 22 ans se sentait seule, « peu de personnes lisant en anglais » dans son entourage.
« J’ai commencé en 2017 alors que je venais d’entrer à l’université. Je me souviens que je me sentais très seule là où je vivais et que je ne connaissais personne d’autre avec qui partager ma passion pour la lecture », raconte-t-elle à MyAlgeria.
« C’est à ce moment-là que j’ai commencé à croiser un contenu créé par des lecteurs anglophones. Je pense que c’est cette influence qui m’a poussée à faire quelque chose de similaire. Je n’avais pas de but précis à l’époque. Je voulais principalement me créer un monde où je pourrais exprimer ma passion pour les livres de façon artistique. Je ne savais pas que ça allait m’ouvrir les portes d’une telle communauté de lecteurs », témoigne Anfal qui est désormais suivie par plus de 5000 personnes sur son compte Instagram « algerian_reads ».
« On a commencé par un club de lecture local, dans ma ville à Sidi Bel Abbès, avant que des femmes des autres wilayas et d’autres pays se joignent à nous. Nous choisissons généralement un thème pour le mois, puis votons pour un livre à lire »
– Anfal, animatrice du compte « algerian-reads »
Et la jeune fille utilise maintenant la plateforme pour réunir des lectrices à travers le club féminin qu’elle a créé : « womenread ».
« On a commencé par un club de lecture local, dans ma ville à Sidi Bel Abbès, avant que des femmes des autres wilayas et d’autres pays se joignent à nous. Nous choisissons généralement un thème pour le mois, puis votons pour un livre à lire », précise la jeune fille.
« Nous avons également organisé des discussions littéraires avec des auteurs afin de rapprocher le lecteur et l’écrivain. A cause de la pandémie de coronavirus, toutes nos activités sont pour l’instant animées en ligne. »
Les réseaux sociaux ont permis à de nombreux lecteurs de trouver un espace mais aussi une communauté avec laquelle partager leur passion.
La jeune lectrice Nardjes y a trouvé une source de motivation. « Je ne suis pas une lectrice acharnée, mais que je puisse facilement accéder aux réseaux sociaux m’encourage à lire. C’est comme si je tenais une discussion avec un ami », souligne-t-elle à MyAlgeria.
« Je fréquente aussi le site Kootoob.dz, une boutique électronique algérienne. On y trouve des revues, des citations et des passages qui accompagnent la présentation de chaque produit, ce qui donne une idée sur le livre et l’auteur. »