L’Algérie post-covid sera celle des femmes cheffes d’entreprise !
Elles créent de l’emploi, diversifient le marché et réfléchissent à leur responsabilité sociétale : les Algériennes osent de plus en plus quitter le salariat pour lancer leurs propres entreprises
Digital, communication, éducation, mode, beauté… Tous ces secteurs sont témoins d’une évolution irréversible : la présence de plus en plus importante de femmes cheffes d’entreprise sur un marché du travail où leur présence reste encore timide. Les Algériennes ne seraient en effet que 18,7% de la population active en 2019 selon la Banque mondiale, une croissance globalement à la hausse depuis les années 1990.
Ghania est l’une d’entre elles. Après plusieurs années passées en tant que salariée dans le domaine de la communication digitale, elle a décidé de lancer une marque de produits cosmétiques à base de produits naturels.
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Elle raconte à MyAlgeria : « J’ai lancé Beauty and Bio en avril 2019 avec ma partenaire, Thamila, depuis décédée. J’avais 29 ans au lancement de la marque. »
« L’idée du projet est venue de façon inattendue. Nous avons découvert, avec Thamila, que nous avions la même envie : lancer notre projet. Elle était biologiste de formation et travaillait sur des mélanges pour la peau et les cheveux, et moi, j’avais envie de quitter mon travail de salariée. »
L’aventure commence par un autofinancement. « Mon associée s’occupait de la formulation et de la production et j’étais responsable de la promotion et l’administration », se remémore la businesswoman.
La marque emploie désormais trois salariées et est suivie par plus de 55 000 personnes sur Instagram. « En 2021, nous avons vendu approximativement 8000 produits via notre boutique électronique et nos nombreux points de vente dans différentes wilayas du pays », précise la cofondatrice.
Ghania est fière de l’approche écoresponsable adoptée par sa marque. « Afin de préserver la nature, nous avons décidé d’utiliser principalement des contenants en verre, que nous recyclons grâce à nos fidèles utilisatrices », est-il mentionné sur le site de la marque en faisant référence aux flacons et pots vides rapportés pour être réutilisés.
Plus de visibilité pour les artistes algériens
Ranya, 25 ans, diplômée en économie et gestion des entreprises, est aussi une jeune entrepreneure. Elle a conçu la marque Viridis qui crée « des tote bags avec la collaboration d’artistes algériens ».
« Le but c’est de mettre en avant le patrimoine algérien et le travail des artistes algériens, les encourager, leur apporter plus de visibilité et un revenu », notamment à deux femmes aux foyers qui confectionnent ces sacs en laine, explique Ranya à MyAlgeria.
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« Le projet a ainsi un impact social mais aussi environnemental, puisque le tote bag est fait à base de produits écologiques et est réutilisable. »
Elle-même artiste, la fondatrice de Viridis offre ainsi à ses consœurs et confrères une plateforme mobile. « En plus d’être pratique, le tote bag peut être un excellent support promotionnel. Il se déplace partout avec son propriétaire et peut ainsi apporter beaucoup de visibilité à la personne », défend-elle.
Pour le moment, la jeune entrepreneure qui collabore avec trois artistes dit gérer « un petit business » qu’elle espère voir prospérer, notamment en développant une nouvelle ligne de tee-shirts. « Je vois grand et je rêve grand », nous confie notre interlocutrice.
Devant le nombre croissant des jeunes entrepreneures et porteuses de projets, plusieurs incubateurs voient le jour. Après avoir cofondé The Annex DZ, qui est un incubateur et un espace de coworking pour les startuppeurs, Sara Rebati Aït Hamou, docteure en pharmacie, décide de mettre en place un autre incubateur dédié aux femmes entrepreneures.
Elle crée ainsi WomWork avec Sarah Aït Hamou, docteure en science politique.
« WomWork by The Annex DZ est le premier incubateur féminin en Algérie et en Afrique. Il a pour vocation d’encourager, de promouvoir et de soutenir les projets innovants portés par des femmes », explique Sarah à MyAlgeria.
Le but de l’incubateur est d’augmenter le pourcentage des femmes entrepreneures en Algérie. Pour cela, WomWork fournit des formations aux porteuses de projets et les accompagne dans leur levée de fonds.
« Nous avons fait quelques études et nous nous sommes rendu compte que l’Afrique est le continent où les femmes entreprennent le plus au monde, avec un chiffre qui s’élève à 24%, alors que paradoxalement en Algérie, elles sont seulement 7% à prendre ce risque », relève-t-elle.
Mais la tendance est en train de changer. Pour preuve, la première édition du Forum international de la femme (FIF) organisée par la Confédération générale des entreprises en décembre 2021, a rassemblé plus de 3 000 femmes cheffes d’entreprise ou porteuses de projets.
« Nous avons accompagné plusieurs projets, notamment Nbookini de Feriel Benslim [une start-up dans le domaine de la culture] et aussi le projet Antigaspi [une application pour lutter contre le gaspillage alimentaire en achetant ou en vendant à prix réduits] d’Asma Bouhired, une application qui consiste à lutter contre le gaspillage alimentaire », cite en exemples Sarah Aït Hamou.
Une véritable culture de l’entrepreneuriat féminin
Mais pour Sarah, l’incubation n’est plus suffisante : il faut développer en parallèle la culture de l’entrepreneuriat féminin et encourager les femmes à entreprendre davantage dans leurs propres projets.
Pour « faire prendre conscience aux femmes qu’il existe des alternatives au salariat et que dans le monde post-covid, elles peuvent et doivent créer leurs propres opportunités, WomWork a mis en place un programme spécial dans lequel « les entrepreneures sont accompagnées et formées par le programme Shiraka de l’Académie de La Haye, financé par l’ambassade des Pays-Bas en Algérie. »
Le programme de sensibilisation prendra d’abord place dans les universités algériennes à partir du mois de mars à travers les clubs universitaires.
« Nous allons commencer par sensibiliser à l’entrepreneuriat féminin à Alger, puis une caravane sillonnera l’ensemble des villes du pays. »