Revadex, l’entreprise algérienne qui donne envie de trier pour la planète
Alors que l’Algérie produit de plus en plus de déchets ménagers, la faiblesse du tri sélectif rend le recyclage plus difficile. Walid Hadjadj a créé Revadex, une entreprise qui facilite le tri pour les entreprises
En 2020, l’Algérie a produit 13,5 millions de tonnes de déchets ménagers. Cela représente 800 grammes de déchets par habitant et par jour. C’est bien moins que l’Amérique du Nord, où les habitants produisent en moyenne 2,21 kg de déchets chacun quotidiennement, mais l’augmentation est fulgurante.
Selon les prévisions de l’Agence nationale des déchets (AND), le pays pourrait produire 20 à 23 millions de tonnes de déchets en 2035.
« Il y a un paradoxe algérien. Les déchets sont partout, mais les recycleurs peinent à trouver des déchets à recycler », souligne Walid Hadjadj. Cet ingénieur pétrolier de 34 ans travaillait au ministère de l’Energie lorsqu’il a fait un voyage en Inde qui a bouleversé son parcours professionnel.
« J’ai vu de près l’impact du changement climatique. Des inondations ont provoqué la délocalisation des habitants et ont eu un impact sur l’activité agricole des villageois », témoigne-t-il à MyAlgeria.
Convaincu que « chacun est concerné », il crée d’abord une plateforme numérique qui met en relation les entreprises productrices de déchets et les entreprises de recyclage, avant de fonder Revadex en 2019.
L’entreprise propose à des sociétés de leur fournir des poubelles spéciales pour recycler certains déchets comme les bouteilles en plastique ou les cartouches d’imprimante et organise la collecte de ces déchets puis leur transport vers des entreprises de recyclage.
Trier pour mieux recycler
« Aujourd’hui, les entreprises de recyclage n’ont pas les moyens logistiques de développer la collecte de déchets. Les industriels qui génèrent des déchets ne trouvent pas non plus preneur. Enfin, le système de collecte informel génère un coût supplémentaire pour les entreprises de recyclage puisqu’elles doivent nettoyer les déchets recyclables qui ont été au contact d’autres déchets dans les décharges », résume Walid Hadjadj, qui est également l’un des secrétaires généraux du parti Jil Jadid (Génération nouvelle).
Sa solution consiste à installer des grandes boîtes en carton de couleurs différentes, « fabriquées en Algérie », pour récolter chaque type de déchet.
« Nous ne collectons que ce que nous pouvons recycler. Par exemple, nous ne prenons pas les gobelets en carton car ils sont constitués d’un emballage complexe et il n’existe pas d’entreprise qui les recycle en Algérie. C’est la même chose pour les emballages type TetraPak », explique Walid Hadjadj.
Selon l’Agence nationale des déchets, 15% de ces déchets ménagers produits en Algérie sont des plastiques, dont la moitié est constituée de sacs en plastique, et 7% sont des papiers et cartons.
« Il serait important d’envisager le développement des filières de recyclage », estime l’agence dans son rapport de 2020 sur l’état de la gestion des déchets.
« En dépit des efforts fournis dans certaines expériences/projets pilotes, le système de précollecte dédié au tri sélectif est peu ou pas développé et souvent objet d’actes de vandalisme », souligne-t-elle. « Comme il n’y a pas de tri en amont, il n’y a pas de recyclage en aval », ajoute Walid Hadjadj.
Économies de papier
Malgré un modèle économique nouveau pour le marché algérien, au sein duquel l’entreprise paye pour bénéficier du service de recyclage, le projet séduit.
Aujourd’hui, plus de 2500 salariés, principalement à Alger, trient leurs déchets via le service de l’entreprise.
Revadex travaille avec des ambassades ou des multinationales, contraintes par leurs maisons-mères d’inclure la gestion des déchets dans leur politique de RSE (responsabilité sociétale et environnementale), tout comme de plus petites entreprises algériennes « qui ont la volonté d’avoir un impact positif ».
« Nous nous sommes inscrits il y a un peu plus d’un an », explique à MyAlgeria Zineb Kaoua, directrice marketing chez Emploitic. « Il est important pour nous de protéger l’environnement et de contribuer à limiter le gaspillage, surtout au bureau, puisqu’on y passe plus de temps qu’à la maison ».
Cette entreprise, qui compte aujourd’hui une soixantaine d’employés, a recyclé 123 kg de bouteilles en plastique et 101 kg de papier en 2021. Selon le certificat remis par Revadex, le recyclage des équipes d’Emploitic a permis d’économiser 374 kg de CO2.
« Tout le monde s’y est mis sérieusement. Le projet était porté par les employés et ils sont fiers que l’entreprise partage les mêmes valeurs », affirme Zineb Kaoua.
« Tout le monde n’est pas imprégné des gestes de tri. Nous accompagnons les entreprises pour qu’elles trient au mieux et qu’elles aient une politique d’achat plus responsable », explique Walid Hadjadj.
Ainsi, il répète qu’il est préférable de ne pas froisser les feuilles, puisque cela casse les fibres du papier et le rend moins recyclable.
Sur les réseaux sociaux de l’entreprise, des messages de sensibilisation défilent, rappelant par exemple qu’avec 67 bouteilles en plastique recyclées, on peut fabriquer une couette.
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L’impact est rapidement visible. « Après notre intervention, l’une des entreprises que nous accompagnons a réduit le nombre de stations d’impression », raconte-t-il. « Sa consommation de papier a chuté. »